Louis-Paul Ordonneau

"La montagne au-dessus d'eux" - 2022 - Huile sur toile, 73 x 92 cm.

Exposition GALERIE CLAIRE CORCIA du 16 mars au 22 avril 2023.

La surface du lac est pleine de feuilles mortes. 

Quand on se rend à une exposition, communément, on s’attend à découvrir des nouveautés produites par l’exposant. Pour mon exposition à la Galerie Claire Corcia, il n’y a pas de nouveauté contemporaine, pas de surenchère égotique, pas de confirmation de croyance, pas de certitude ou de cohérence, pas de théorie.

Aujourd’hui, je présente un travail de déconstruction que j’ai mené pour revenir à l’essence de mon anima, l’extraire et voir où elle pouvait m’emmener en peinture. J’ai décidé de proposer mes lacunes, mes contradictions, mes tentatives, mes errements, mes erreurs, et de partager des choses apprises par la mise en danger. Je propose mon plongeon en eaux profondes.

Ceux qui connaissent mon travail depuis mes débuts ne s’y retrouveront surement pas. Tant mieux.

Les peintures que j’expose sont le résultat d’une recherche commencée par hasard à Verrières-Le-Buisson durant ma résidence artistique sur l’année 2021. Là-bas j’ai eu la chance d’expérimenter sans jugement, de tenter sans objectif, d’échouer sans enjeu, et de rechercher sans attente. Je remercie encore la Ville d’avoir cru en moi et de m’avoir donné la chance d’un atelier et d’un temps long sans contrepartie.

Au bout de cette année d’autocritique, je crois que j’ai réussi à me débarrasser des couches de ma superficialité en peinture. Finie la ligne claire pour faire croire qu’on sait dessiner. Fini le cloisonnement par le noir pour masquer des passages disgracieux. Adieu la vinylique. Tchao les motifs qu’ils soient graphiques ou chromiques. A la poubelle les petites astuces flatteuses qui arrangent la forme. Terminé de faire semblant de peindre. Finie l’accumulation de références. Pas de « Où est charlie? », pas de paréidolies. Il n’y a plus aucune volonté de progrès ou de cohérence.

C’est fini la rigolade.

Aujourd’hui, dans mon protocole, j’arrête mes peintures quand je ne les comprends plus. C’est pour peindre l’inconnu au sens le plus fort. Clairement je donne à voir des difficultés. Cela relève aussi d’une forme d’exigence éthique. C’est peut-être naïf, mais j’y vois aussi une forme de réenchantement.

Se demander pourquoi on garde imprimés dans sa mémoire des souvenirs de prairies, de rivières, d’algues, de profondeurs. Peindre pour moi, c’est plus que jamais descendre en soi parce que la surface du lac est pleine de feuilles mortes. Alors il faut plonger profond. Là, l’imagination n’est plus condamnée par des tourments ridicules, même si c’est au risque de rencontrer une neutralité qui fait aussi penser à du néant.

Dans mes peintures, on peut croire que je répète des genres de paysages avec des variations. C’est le cas. Tout reste à faire et tout restera toujours à faire. C’est ma façon de m’opposer à l’idée d’une théorie totale en peinture. Qu’un tel fantasme puisse naître dans des esprits de notre époque nous en dit beaucoup.

Toute nouvelle proposition artistique est inéluctablement une erreur. Evidemment que je me trompe mais je suis surpris que cela puisse étonner. Faire de la peinture, c’est accepter d’avoir tort. Ce qui est trouvé un jour est remplacé le lendemain. J’adhère à cette idée vivante. Demain on ira voir une autre exposition. J’aime les anomalies et j’espère que mes peintures en sont. Les anomalies que l’on préfère sont toujours celles dont on aimerait connaître en premier l’explication. 

LOUIS-PAUL ORDONNEAU.

La bouée sirène - Format 220x180cm - Technique Mixte sur toile. 

Peinture par Julien Wolf

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