Louis-Paul Ordonneau
15 Mars 2020. Parisien, né à Paris, éduqué à Paris, travaillant à Paris, je quitte Paris pour m'installer au frais, à la campagne, à 1 heure de Paris. J'y reste pendant tout le premier confinement avec Emilie, mon épouse, et mes enfants, Léonard, Arthur, et Marguerite.
Que dire de ces deux mois surréalistes ?
Je suis d'une génération biberonnée à la croissance sans limite, au besoin insatiable de nouveautés et à la société de services. Il faut gagner plein de petits sous et consommer. Point de salut ailleurs. Pour être ailleurs je filme, je photographie, je peins, je crée. Je n'adhère pas trop à la société qui se construit autour de moi mais je m'en accommode. Le ratio espoir/auto-esclavagisme n'est plus rentable. David ne peut plus battre Goliath. Alors je fais de la peinture.
L'urbain, le parisien que je suis, est là, ailleurs, à la campagne, à regarder pour la première fois de sa vie le printemps qui déploie ses natalités. Je m'installe un atelier dans une grande pièce ouverte sur la nature. Que vais je peindre? des arbres? des fleurs? des paysages? pour dire quoi? à quoi bon? raconter qu'on est minuscule? redire sur la toile les nouvelles plus terribles chaque jour que le précédent? spéculer sur le monde d'après? zoomer pour se résilier?
Pendant ces mois et toute cette bizarre année, je quitte mon territoire graphique pour aller vers plus de vicéralité dans mon expression picturale. Les tripes s'extirpent. Tumultes et chaos. Diables et démons. Envoutements, herbes folles et tempêtes.
Qu'importe un confinement, deux ou dix, je peins pour ailleurs et je m'y rends coute que coute. C'est enfantin mais follement joyeux.
Aout 2020, Brioude.
Particularité de cette année de pandémie mondiale, je suis sélectionné pour participer au Festival d'art contemporain de la ville de Brioude. En pleine Auvergne, je performe pendant 3 jours une fresque de 10x1,6 mètres. Une fois fresque terminée, elle est laissée libre d'intervention aux visiteurs sur des zones dédiées. L'oeuvre participative est un succès. Grands et petits s'approprient la fresque. En matière d'art public, je crois qu'on a la responsabilité de ne pas imposer son art aux gens. L'oeuvre publique doit être adoptée par la population qui va la voir et potentiellement la subir tous les jours...Ce n'est pas barbare ni une atteinte à l'art absolu que de dire cela, c'est juste du bon sens parce que c'est l'époque qui le demande...et nous sommes des artistes contemporains, pas des artistes florentins du Cinquecento avec une population sous la domination dictatoriale des Médicis...