Louis-Paul Ordonneau

Triptyque

“Un réveil pour traverser les plaines jusqu’à la cascade et recommencer. Liberté, Egalité, Fraternité.”

C’est lors de ma résidence à Verrières-Le-Buisson que l’envie de réaliser une œuvre spécifique est née. J’avais la chance extraordinaire d’avoir à ma disposition un atelier de 120 m2 pour 10 mois. J’ai eu envie de rendre hommage à Malraux, à Louise de Vilmorin, à la ville aussi qui m’accueillait. 

Naturellement l’idée de la graine qui germe et retourne à la terre est venue.

Naturellement l’idée de la république est apparue avec ses mots Liberté, Egalité, Fraternité.

Naturellement le liant entre les deux était l’eau, continuum de la vie.

J’ai alors décidé d’un triptyque sur le thème ” liberté, égalité, fraternité “. 

J’ai recherché à travers le sens historique des mots à le mettre en correspondance avec ce en quoi je crois et qui m’anime dans ma peinture, à ma vision du monde. Il en est ressorti que pour moi que l’articulation de ces valeurs répond bien à une logique des fluides.

Dans ce triptyque, l’enjeu est la circulation de l’eau et son changement d’état selon que l’on parle de la liberté, de l’égalité, ou de la fraternité. 

-la liberté, c’est celle que l’on choisit ou qui s’impose à nous, comme ce poisson rouge qui peut rester dans son bocal trop petit ou celui qui vit comme un saumon qui s’échappe dans la rivière qui va traverser les plaines.

-l’égalité, c’est un concept finalement. Elle repose sur un agencement de différents univers calmés sous la bannière d’un drapeau qui, à regarder de plus prêt, est un cerf-volant qui peut s’envoler en cas de tempête. Dans ces plaines, l’eau brasse les terres et les hommes.

-la fraternité, je crois qu’elle n’existe que dans une cascade de sang. C’est à dire que l’on est/devient fraternel que dans les combats que l’on partage. Et l’eau, elle lave le sang. 

 Alors, à la fin, devant mon triptyque, je me suis dit que c’est normal pour un peintre de se réveiller pour traverser les plaines jusqu’à la cascade et puis de recommencer.


BLACK BOX

Black Box est une oeuvre concept imaginée par l’artiste Louis-Paul. 

Lorsque le spectateur entre dans Black Box il y trouve  face à lui une peinture de Louis-Paul éclairée. 

En fermant la porte il déclenche l’oeuvre.

Alors progressivement la lumière s’atténue jusqu’à atteindre une pénombre dense. Parallèlement, une ambiance sonore faite de musiques et de sons devient de plus en plus présente. 

Au paroxysme, la force que la peinture conserve en elle est libérée.

La lumière revient d’un coup. 

Le son s’arrête. 

Le spectateur a touché ce que la peinture dégage comme énergie et l’impossible inexistant qu’elle représente.

Cette œuvre, plus qu’une installation, est pour moi le signe
d’une action concrète artistique pour donner à ressentir un patrimoine
individuel et un horizon d’espérance par l’esprit.

Tout n’est pas écrit dans le réel.

Je crois par exemple en ces « choses » comme les souvenirs
de l’enfance qui nous suivent toute notre vie et qui gravés pour toujours en
nous.

Un paysage, un son, une lumière et on se rappelle nos manifestations
intérieures.

Je souhaite mettre en œuvre une expérimentation qui nous ramène
« ces choses », avec une nécessaire incertitude, comme célébration
d’un monde où les expérimentations artistiques aident à libérer les imaginaires
par la compréhension profonde de leur existence.

Par-dessus les réalités quotidiennes, il s’agit bien de montrer
les possibilités des puissances agissantes en chacun et donner aussi naissance
à de nouveaux liens entre les individus.

Moins de spectacle, plus de communion devant le signifiant d’une
peinture mise en sons et lumières.

Black Box // Projet 01 - Le bouquet de fleurs



INCLUSIF est un mouvement artistique qui propose que les mythes soient révisables.

Fin 2020, j’étais enchanté de la création du mouvement Inclusif. Depuis j’ai rencontré Cynthia Pedrosa et Nathalie Smaguine à La Ruche, notre résidence artistique de 2021.


Retour sur INCLUSIF

Né une nuit en 2020.

Tout est parti du constat de la difficulté naturelle de la peinture de s’inscrire dans une continuité vivante, l’image étant figée. L’autre difficulté est la postérité qui est une trahison lorsqu’on a envie d’un art éternellement honnête  ”…comme la clandestinité de la vie privée sur laquelle on ne possède jamais que des documents dérisoires…” Guy Debord. 

Comment détruire la médiation artistique,  cadre de l’auto-représentation, sans détruire l’oeuvre?  Là encore il éclaire: ”Toute création est l’organisation de nouvelles conditions du hasard.“ 

La situation passive des oeuvres figées nécessite une correction par ”le mouvement de hasards désirables”.  

Et Aragon s’y accorde: ”A chaque instant une oeuvre doit forcer à réviser tout l’Univers”. 

INCLUSIF s’inscrit positivement contre le vide des arts événementiels qui font croire qu’ils sont pour tous alors qu’ils ne répondent principalement qu’à l’ambition auto-publicitaire de leurs auteurs.


INCLUSIF c’est :

  • l’antidote aux fantasmes castrateurs générés par la société
  • donner aux mythes artistiques, immuables par nature, la possibilité de muter et donc de vivre.  
  • vouloir que le monde soit décrit de sorte à ce que le nouveau puisse toujours se produire.
  • l’éveil à un temps illimité de création en renouvellement constant et la fin du jugement.
  • gagner sur le changement en multipliant le hasard des moments émouvants.
  • l’expérience momentanée de toutes les sensations pures qui s’oppose à tout système fini organisé par les fixeurs de temps. 
  • un mouvement artistique qui enrichit l’art et la vie.

Alain Finkielkraut a presque raison ou vérité contre réalité.

Pour donner suite à un excellent entretien avec Alain Finkielkraut au sujet des éoliennes qui transforment notre paysage ( lien ). 

Convoquer les peintres pour justifier que les éoliennes sont moches est un peu exagéré  d’autant plus qu’il est vrai que plus personne n’a rien à faire de la peinture et de l’avis des peintres aujourd’hui. 

L’argumentation autour du beau dans l’entretien est gentil mais depuis Poussin il y a eu quelques peintres qui sont passés et la réflexion sur l’acte et le sens de la peinture ont continué d’avancer. 

Des éoliennes petites, grandes, grosses, très grandes ou toutes petites dans le paysage, ce n’est pas le sujet. Alain est hors sujet.

Le problème sera qu’il y en ait partout. Le problème sera la victoire absolue de la nouveauté. Voilà notre problème à tous.
Le culte du nouveau hypnotise notre époque. Ce culte est une offense à la nature et à la dignité humaine. Et de nous demander pourquoi nous nous renseignons moins de la beauté d’un objet que de ses qualités pratiques. La menace de la nouveauté est constante.

Le danger de la nouveauté est qu’elle n’est ni belle ni laide, elle est neutre. Tant qu’elle ne sera pas écartée, elle prolongera indéfiniment la décadence du goût et elle démoralisera tous ceux qui de près ou de loin ont à faire avec la création. La laideur est un mal mais la beauté souveraine aussi alors pourquoi le neutre n’est il pas la solution pense notre époque? 

Si affligeante que soit la perspective d’une démoralisation générale par le neutre elle seule sera capable de convertir le public, de l’amener à renoncer à la nouveauté, et en même temps à tous ces motifs d’ornementation qui lui procurent une satisfaction si irréfléchie. 

Dans toute véritable oeuvre d’art il existe un mensonge indétectable, une imagination inexplicable, des suppositions improuvables, quelque chose d’artificiel et d’anti-naturel.  Et sous cet angle, les éoliennes font force d’art de nous révéler la nature et notre nature humaine. Elles sont le totem de la démoralisation moderne. Alors cette fois ne faut-il pas laisser faire?

Pour l’autre question, celle de la beauté du monde, cela fait très longtemps que les artistes ont dépassé le sujet de la belle nature et de sa représentation. 

On comprend bien que là où le sol s’est enlaidi, là où toute poésie a disparu du langage, les imaginations s’éteignent et les esprits s’appauvrissent.

Mais le sujet est d’avantage qu’aujourd’hui il devient de plus en plus urgent de rendre connu l’inconnu.

Merci encore Monsieur Finkielkraut pour votre entretien qui donne envie de réagir ! 

Ce n’est pas neutre.

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